top of page

Ton bien-être devrait toujours avoir priorité sur n'importe quel diplôme

  • Photo du rédacteur: Eva Luna
    Eva Luna
  • 6 mai 2019
  • 6 min de lecture

L'intelligence académique n'est pas la seule forme d'intelligence ni la seule importante ou valide, et réussir sa vie ne se résume pas au nombre de diplômes que tu accumules ni au temps que ça te prend à les compléter.


C'est quelque chose que je dois me répéter encore et encore pour ne pas me comparer tellement (trop) fort que je tombe dans une spirale infinie de pensées destructrices. M'empêcher de me faire violence parce que mon parcours est atypique et par le fait même, dévaloriser les autres formes d'intelligence, de façon volontaire ou non, c'est une bataille continuelle entre ma tête et mes convictions, mon anxiété et mon coeur.


J'ai terminé mon secondaire en 2013. En automne 2013, j'avais 17 ans, je rentrais au Cégep en Musique avec comme instrument ma voix, au Cégep de Sherbrooke. J'avais préféré chant classique à chant jazz parce que je savais que la technique vocale était plus efficace, mais surtout parce que je risquais davantage d'y chanter des pièces de comédies musicales, et ce rêve-là de jouer sur Broadway est toujours là aujourd'hui. Je crois que j’aurais choisi option jazz si j'avais su que je chanterais aussi peu de pièces de comédies musicales finalement, pour ainsi avoir accès à cette liberté vocale et ce répertoire que j’enviais aux étudiant.e.s en chant jazz. Mais bon. Je suis rentré dans un programme où j'étais (ou du moins où je me sentais) en retard. La grande majorité de mes collègues avait un bagage en musique, ce que je n'avais pas. Certain.e.s jouaient d'un instrument depuis déjà longtemps, d'autres avaient étudié dans un programme de musique pendant tout leur secondaire, mais surtout, ils savaient tous.te.s lire la musique. Pas moi (oops). J'étais donc obligé, avec quelques autres élèves, de passer le cours de mise à niveau théorique (aka hell pour quelqu'un qui allait pas bien comme moi à ce moment-là). Au même moment, toujours en automne 2013, on m'a diagnostiqué mon TAG (trouble d'anxiété généralisée). Je me souviens que je pleurais chaque matin avant d'aller à mes cours. Je me souviens d'une fois en particulier, où ma mère est venu me reconduire à l'école, et où j'ai juste éclaté en sanglots, en lui répétant « j'veux pas y aller » pendant un bon 15 minutes. La grosse panique. Je me souviens comment tout m'angoissait, comment je ne mangeais plus, comment je ne me sentais pas à ma place, comment je sentais qu'on avait trop d'attentes envers moi, toute cette pression que je ressentais continuellement sur mes épaules. Et puis enfin, j'ai finalement terminé ma première session de Cégep avec seulement 3 cours, que j'ai passé de justesse, après avoir fait annuler tous les autres.


Après cette session-là, je ne me suis pas réinscrit au Cégep tout de suite. C'était trop. J'avais besoin d'air, j'avais besoin de penser aussi, de réévaluer ce que je voulais faire finalement, dans quel programme j'avais envie d'étudier, qu'est-ce qui me tentais réellement. J'ai pas tant pensé que ça finalement pendant ce un an et demi-là, parce que turns out que j'allais crissement pas ben pis que mon TAG c'était un résultat de pas mal d'affaires, pis que ma santé mentale était déjà affectée depuis un bout. Mettons que c'était la pointe de l'iceberg. Mais j'ai quand même pensé juste assez pour décider de retourner au Cégep, cette fois en communication, profil médias. Pour me remettre les pieds dans le milieu scolaire, j'ai fait une session en orientation (j'y suivais seulement des cours de base) parce que mon programme n'était pas ouvert en hiver. C'est donc en automne 2015 que j'ai officiellement commencé mon programme en communication. Ça a été difficile au travers des doutes, des remises en question et des crises de panique, mais j'étais mieux entourée, j'avais plus d'ami.e.s et un peu plus de motivation aussi. Fast forward à ce qui devrait être ma dernière session au Cégep de Sherbrooke pour l'obtention de mon DEC en communication. On est à la session d'hiver 2017, deux semaines avant la fin.


Et je lâche tout.


Quelque chose qui m'est arrivé quelques mois auparavant me rentre trop dedans. J'avance pu. Je suis trop bouleversée. C'est le début de la fin dans ma tête. Je désespère. Mes plans tombent à l'eau. Je me retrouve à déménager à Montréal quand même, parce que j'ai déjà signé un bail avec un ami (parce que je m'étais inscrite en littérature à l'Université de Montréal). Je m'installe et je commence à travailler. Je m'inscris à la session d'hiver 2018 au Collège de Rosemont pour terminer mon DEC en communication. On me crédite tous mes cours (je pleure de joie). Je décide d'annuler mon cours d'éduc puisque c'est le cours de trop dans ma semaine, et que je veux mettre toutes les chances de mon côté. Je me dis que je vais le suivre pendant l'été. Je passe donc tous mes cours avec succès. J'ai de bons résultats partout et je suis fière de moi. Je m'inscris en Études féministes à l'UQAM et on m'accepte sous conditions : le dernier cours d'éducation physique, soit mon dernier cours pour obtenir mon DEC ne se donne pas cet été-là, alors je dois le terminer avant le 14 octobre 2018, à distance. Pendant l'été, ça ne va pas. Je pleure tous les jours avant de rentrer travailler, je ne dors plus. Je tombe en congé de maladie pendant un mois. Évidemment, je n'avance pas dans mon cours d'éduc pendant cette période, ni vraiment les semaines suivant le congé, puisque je me réhabitue tranquillement au retour au travail, et que c'est déjà très difficile. Inutile de dire que je ne réussis pas à compléter mon cours avant la date d'échéance, qui déterminait mon acceptation dans mon programme à l'université.


Pas le choix : on me met hors du programme puisque je ne remplis plus les critères demandés sans mon DEC de complété.


Alors là on se retrouve à maintenant. Je finis présentement le fameux cours d'éduc au Cégep. Il me reste quelques semaines seulement avant l'obtention (pour vrai cette fois) de mon DEC, et je suis accepté en Création littéraire à l'UQAM pour la session d'automne 2019.

Je pense pas que la Ève de 2013 serait fière de la Ève de 2019. Pas parce que cette Ève-là a raison, mais parce que sa définition de succès, c'est les études supérieures, une belle maison et beaucoup d'argent. Et je sais pas encore d’où ça vient, ça, de penser que des bouts de papier, des notes exemplaires et un CV bien remplis de diplômes, c’est synonyme d'avoir réussi sa vie comme personne. Mais je sais que ça fait pas de sens, que c'est nono, que y'a pas de liens avec la réussite à faire là. Mais j’ai encore de la difficulté à cesser de m’autoflageller avec le parcours que j'ai malgré tout, parce que ce sont des pensées ancrées profondément.

Mais je comprends.

Pas que les diplômes ne valent rien, simplement que ce n'est pas tout, et surtout que je ne vaux pas moins sans. C'est dangereux de se valoriser seulement par ses études, surtout quand ça va pas bien, ou que tu peux pu ou même veux pu en faire pour un certain temps, des études, ou même encore pour toute la vie...

En attendant, j'apprends encore à apprivoiser le temps, à le considérer comme un ami. J'apprends à lui donner une chance et à prendre le temps de prendre le temps, même si c'est difficile. J'apprends à aimer l'Inconnu et à me laisser guider et surtout, j'apprends à respecter mon propre chemin. Je suis à bout, je suis fatiguée, je suis encore et toujours perdue, mais je suis là. Toujours vivante. Je rafistole tranquillement les bouts de moi que j’ai l’impression d’avoir perdu au cours des 4 ou 5 dernières années et je fais de mon mieux pour m’éloigner de cette pression de course continue et de ligne d’arrivée floue qui s’éloigne à chaque pas que je fais depuis les dernières années. Ça fait à peu près 6 ans que j'ai terminé mon secondaire, et 10 que je l'ai commencé avec des rêves plein la tête. J'ai le droit de les retrouver ces rêves-là, et d'accepter que j'ai pas à tous les réaliser à la vitesse de l'éclair. C'est pas vrai que je devrais être toute ben setté à 23 ans et ça devrait pas me faire aussi mal de pas l'être, parce que chaque chemin est unique et parce que ça sert absolument à rien de comparer quelque chose d’unique à quelque chose d’autre d’unique également.

Si tu lis ces lignes, et que tu te reconnais, je te l'écris ici avec le motton dans gorge mais avec beaucoup d'amour et de conviction, pour toi mais pour moi aussi : y’a pas de base sur lesquelles noter notre importance dans le monde, notre validité, notre pertinence. Y’a pas de barème pour définir si on mérite de vivre en ce moment, même si on fait pas tout ce qu'on veut faire, même si on n’est pas « accompli » selon ces barèmes-là, même si on peut s'hair et se taper sur la tête souvent, même si on a pas de belle maison, même si je sais toujours pas conduire et que peut-être toi non plus, même si nos plans ont changés malgré nous, même si on n’est pas pentoute setté sur rien.

Notre bien-être passe avant tous les diplômes. Tout le temps.


Ève xx



Comments


S'ABONNER
  • Blanc Facebook Icône
  • Blanc Icône Instagram
facebook    |    instagram

© 2019 by feministementvotre

bottom of page