L’indulgence comme un couteau : résilience
- Eva Luna
- 29 avr. 2022
- 2 min de lecture

I. L’indulgence comme un couteau. Disparate et désincarnée, je me vois le haut de la tête. Les cheveux crasses et entremêlés, implorant un soin qui ne résonne plus jusqu’à moi. Silencieuse même dans mes mots. Depuis ma renaissance forcée, je suis à l’apogée du mutisme. Tout ce que je dis provient de l’extérieur de mon enveloppe vitrée. L'eau saline des Autres m’assèche la gorge. Je ne saisis pas l’incohérence de la froideur du mois d’août, je ne comprends pas comment vous pouvez raconter l’Histoire de ma peine en m’oubliant délibérément depuis l’étau des grandes Nouvelles. Je me brûle les yeux à fixer le beau qui n'existe plus pour m’affranchir de l’assombrissement de nos vies.
Tout s’apparente à l’évitement. M’éviter, moi, aussi. Pour m’extirper jour et nuit de ma propre amertume alimentée par ma maison-incendie, je me détache de mon corps soumis. Je recrache la goutte d’eau prisonnière de ma coupe de vin. Du poison pour l’ivresse de ma condamnation.
II. Pourtant, j’ai de l’or encastré dans tous les racoins de ma dépouille, mais rien n’y fait ; je suis pauvre. Là où je pose pieds, rien ne naît depuis deux ans.
III. Tu me dis souvent que rien n’arrive pour rien, comme si l’encombrant était un fardeau que je devais chérir. Mais je ne veux plus être tenace, je ne veux plus camoufler mes instants d’abandon, je ne veux plus me battre avec ma colère et la recouvrir d’un autre faux diamant. La résilience a toujours été nécessaire, mais elle ne devrait pas me définir pour me permettre de me revêtir de doux.
IV. J'entame ma 9e vie.
V. J'appréhende trop fort l’inévitable décorum de mon été et je ressens déjà le poids de demain à 3 heures de l’après-midi.
Je t’en prie, sois fine avec moi Montréal — tu sais que je reste quand même malgré l’invisibilité de mes pas.
Février-avril 2022
Comments